Nathalie est Présidente de Sovape. L'association est également présente sur Facebook et Twitter.
Merci Nathalie d'avoir accepté notre rendez-vous. Puis-je vous demander de vous présenter en partageant avec nous un peu de votre histoire et comment vous vous êtes engagée dans la défense de la vape?
Nathalie Dunand : J'ai commencé une carrière "classique" de consultante en informatique poursuivie dans les ressources humaines après la naissance de mon troisième enfant. Ma rencontre avec la vape a chamboulé beaucoup de choses. D'abord, j'ai arrêté de fumer, un miracle pour moi après plus de 30 années de tabagisme. Émerveillée, j'ai entrepris de me documenter sur ce produit et sur la lutte contre le tabagisme. Ce que j'ai découvert m'a littéralement sidérée. Obscurantisme, déni, manque de courage, extrémisme de certains acteurs anti-tabac, poursuite de mauvais objectifs tout cela à mettre en parallèle avec les échanges, le soutien, l'empathie dans les communautés de vapoteurs.
Concrètement, mon engagement s'est traduit par une contribution quotidienne pour le site d'information Vaping Post, informer, décoder l'actualité de la vape et la réduction des risques tabagiques. Aujourd'hui ma contribution est plus occasionnelle. Un sentiment de profonde injustice m'a conduite vers l'engagement associatif, je me suis engagée dans l’Initiative Citoyenne européenne (EFVI) puis j'ai participé à la création de l'association Sovape en 2016.
Q1. Avant d'examiner les déclarations les plus récentes faites durant la Journée Mondiale Sans tabac, pouvez-vous dire quelle est la situation en France en ce qui concerne le tabagisme et la vape?
Nathalie Dunand: Le tabagisme reste très important en France, selon le dernier eurobaromètre, nous sommes le troisième pays en Europe par le taux de fumeurs mais aussi le deuxième pays en nombre de vapoteurs. Les choses sont en train d'évoluer, à l'occasion de la journée sans tabac, la Ministre de la Santé a annoncé une diminution – jamais vue – d'un million de fumeurs en un an. La pression sur le tabagisme s'est accrue ces dernières années avec une série de mesures prises par les gouvernements successifs, et qui sont entrées en vigueur depuis trois ans, instauration du paquet neutre, remboursement de substituts nicotiniques, fortes augmentation des prix. Les outils de réduction des risques restent le parent pauvre de ces politiques et se diffusent essentiellement sur le terrain par le bouche à oreilles, le travail des associations et de certains acteurs de santé éclairés.
Ceci-dit, du point de vue de la situation politique et réglementaire nous sommes mieux lotis que nombre de pays de l'Union européenne, la vape se développe, et le vapotage serait le premier moyen utilisé par les français pour arrêter de fumer, 27% de toutes les tentatives, selon une étude officielle parue en mai dernier dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire du 29 mai.
Malgré ces données factuelles, la Ministre reste excessivement prudente et a du mal à reconnaître le rôle de la vape dans la diminution impressionnante du nombre de fumeurs qu'elle a annoncée à l'occasion de la journée sans tabac. Mais, le sujet de la vape avance, poussé par les consommateurs, des médecins, des associations majeures du champ des addictions et aussi par une filière professionnelle sérieuse animée pour le plus grand nombre par la passion.
Q2. Le titre principal des articles publiés en France à l'occasion de la Journée Mondiale Sans Tabac organisée par l'OMS, était que la France a un million de fumeurs en moins en 2017, avec une excellente analyse de Philippe Poirson sur son blog Vapolitique, qui mentionne que la vape est préférée par 27% des fumeurs pour les aider à arrêter de fumer. Lors d'un entretien sur Europe 1 la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a bien dit qu'elle pensait que vaper était moins toxique que fumer et pourrait aider à arrêter mais...Quelle analyse faites-vous aujourd'hui sur la position du gouvernement français à l'égard de la vape?
Nathalie Dunand: Je crois que les choses vont évoluer. Les faits sont têtus et pour la première fois nous disposons de chiffres incontestables qui démontrent le rôle et le potentiel de la vape contre le tabagisme. Si la ministre l’a passé sous silence, le directeur général de Santé Publique France, François Bourdillon, l'a souligné et c'est très important.
Il reste aux autorités à admettre officiellement que la vape est infiniment moins dangereuse que la cigarette, les récentes déclarations de la ministre vont dans ce sens et c'est aussi très important car en France, comme ailleurs et même au Royaume-Uni, une majorité de personnes pense qu'elle est aussi nocive voire plus que la cigarette.
Les responsables politiques semblent préoccupés par le statut de vapofumeurs, et l'effet passerelle. Une nouvelle enquête auprès d'adolescents parisiens menée par le Professeur Bertrand Dautzenberg montre qu'il n'existe pas et qu'au contraire la vape ringardise le tabagisme chez les jeunes. Dans cette population aussi, le tabagisme a nettement reculé en un an, ce qui est incompatible avec un effet passerelle.
Q3. La France organise en Novembre le 'Mois sans tabac' sur le modèle britannique du StopOctober. Pouvez-vous nous parler du groupe organisé sur Facebook par des vapoteurs?
Nathalie Dunand: En 2017, Santé Publique France a monté de nombreux groupes sur facebook selon différentes thématiques, comme par exemple le groupe des patchés ou le groupe de ceux qui étaient motivés par les enfants, lieu de partage entre candidats à l'arrêt du tabac, sans réelle animation. L'agence a donné les clefs du groupe vapoteur à Sébastien Beziau, vice-président de SOVAPE et activiste de longue date. Ce groupe a été administré et animé par une équipe de bénévoles pour aider les personnes qui le souhaitaient à adopter le vapotage pour arrêter de fumer.
Ce groupe était donc composé de fumeurs et de vapoteurs. Un gros travail d'éducation a pu être réalisé à travers des conseils personnalisés, des documents mis à disposition, créés spécifiquement, des vidéos explicatives réalisées par des participants à l’opération et des "live" facebook avec des spécialistes de l'arrêt du tabac, des addictions et un nutritionniste.
Des règles fermes avaient été imposées notamment concernant la publicité, totalement interdite. Ce qui a posé quelques problèmes pour parler des dispositifs utilisés. Impossible de citer une marque, un matériel etc …
SOVAPE a régulièrement sondé les participants pour évaluer la réussite du dispositif. Ainsi, nous avons observé des taux de succès largement supérieurs à ceux des méthodes classiques. Près de la moitié de l'échantillon de participants avait arrêté de fumer à la fin du Mois sans tabac, et 38% cinq mois plus tard. La combinaison vape et auto-support, avec des hypothèses conservatrices, donneraient d'après nos données, dix fois plus de chance de réussir qu'un arrêt franc.
Q4. Le 28 février Le Professeur David Khayat a déclaré qu'il avait changé d'avis au sujet de la vape et qu'il pensait que c'était l'avenir pour la lutte contre le tabac. Je ne crois pas qu'il s'est exprimé durant la Journée Mondiale Sans Tabac. Les professionnels de santé peuvent avoir de l'influence et être des champions efficaces pour une approche de réduction des risques. On se souvient de the l'appel en faveur des cigarettes électroniques signé par 100 médecins en Novembre 2013. Quelle est la situation aujourd'hui?
Nathalie Dunand: Sur le terrain la situation avance et un nombre croissant de médecins encouragent leurs patients à se saisir du vapotage pour arrêter de fumer. Nous avons aussi parfois des remontées de terrain ahurissantes, de médecins totalement opposés et manifestement mal ou peu informés.
Sur le terrain médiatique, des voix se font entendre du grand public. Nous avons la chance d'avoir des personnalités du monde médical et de l'addictologie médiatiques, à qui on donne la parole et qui s'expriment très clairement sur le sujet.
Par contre, d'après ce que j'en perçois, l'environnement politique, les influenceurs des décideurs politiques semblent peu perméables aux discours de réduction des risques. Ces acteurs restent sur des positions ancrées dans des schémas de pensées figées. Ils le nieront peut-être, mais j'ai perçu chez certains d'entre eux que j'ai pu rencontrer une détestation des fumeurs palpables. Ces conseillers ont du mal à voir ou accepter le potentiel de la vape, sont terrorisés par la "renormalisation" et la théorie de la passerelle. Ces acteurs sont peu audibles dans les médias mais semblent avoir l'oreille des politiques.
Q5. Quelles sont les priorités pour les partisans de la vape en France dans les mois qui viennent? Allez-vous rencontrer la Ministre de la Santé, ou le nouveau Directeur Général de la Santé? Est-ce que le groupe de travail sur la vape va être réactivé? Allez-vous participer à nouveau au Mois sans tabac? via un groupe sur Facebook? avec un financement public pris sur les 100 millions d'Euros supposés financer la réduction du tabagisme?
Nathalie Dunand: Je ne peux pas répondre à cette question à ce jour, je n'ai pas d'éléments factuels mais des indices encourageants. À suivre …
Q6. Y-a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter?
Nathalie Dunand: Le contact est difficile à nouer avec les autorités et même si nous avons des soutiens notre poids médiatique est limité. L’interdiction de propagande, dont personne ne sait exactement ce qu’elle recouvre mais qui peut coûter très cher si on l’enfreint, ne joue pas en notre faveur.
Parmi toutes les actions menées, l’une d’elle est restée emblématique, les “1000 messages pour la vape”. Fin 2015, plus de mille français avaient interpellé Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, sur son blog. En quelques jours plus de 1000 messages avaient été déposés, des témoignages sur l’arrêt du tabac grâce à la vape. Des préfaces d’acteurs de la lutte contre le tabagisme, français et internationaux, de quelques journalistes, un financement participatif pour un livre, imprimé et envoyé au gouvernement, à tous les députés, aux médias. Résultat : une omerta caractérisée.
Il aura fallu attendre mai 2016 et l’organisation d’un Sommet de la vape par Jacques Le Houezec pour qu’une porte très importante s’ouvre, avec l’administration précédente. Sous l’impulsion du Directeur Général de la Santé, Benoît Vallet, nous avions réussi à instaurer un dialogue sous forme d’un groupe de travail piloté par le ministère de la Santé. Malheureusement, avec son départ, les travaux du groupe ont été interrompus.