Rendez-vous avec Sébastien Béziau (le 30 janvier 2020)

 Rendez-vous avec Sébastien Béziau (le 30 janvier 2020)

Merci Sébastien de prendre le temps de participer à ce rendez-vous.


Est-ce que tu peux brièvement te présenter en nous parlant un peu de ton parcours personnel et professionnel et  en nous disant quand, pourquoi et comment tu as commencé à vapoter et tu es devenu un activiste?  


Sébastien Béziau : 


J’ai commencé à fumer à 12 ans. J’ai essayé d’arrêté une seule fois à l’âge de 36 ans à la dure, sans aucune aide et j’ai échoué en 3 semaines. Préoccupé par mon état de fumeur, je n’ai cependant jamais eu le « courage » de refaire une tentative. Je ne bois presque pas d’alcool, j’ai arrêté de fumer du cannabis depuis une dizaine d’années (consommation quotidienne), je ne prend pas de médicaments, et je me « rassure » en pratiquant la course à pied intensément (marathons). Puis à l’âge de 42 ans, je découvre le vapotage par hasard devant une émission de TV. Dès le lendemain, je me suis rendu dans une boutique spécialisée pour essayer. Quelques heures après, j’ai cessé de fumer complètement. C’était en 2013. Dès les premiers jours, je me suis renseigné pour savoir si la vape n’était pas plus dangereuse que la cigarette, et j’ai très vite été rassuré par d’abondantes informations qui existait déjà à l’époque sur Internet. J’ai démarré mon blog fin 2014 avec pour objectif de faciliter l’accès à l’information, et je suis devenu progressivement « militant » par la force des choses en voyant les incompréhensibles oppositions à cette « solution » qui est pour moi de l’ordre du « miracle » pour les fumeurs.


Q1. L'argument qui pour moi est le plus fort ce sont tous les témoignages personnels qui sont partagés par tant de vapoteurs (y compris le tien) où vous expliquez comment vous avez /quand vous avez adopté le vapotage et à quel point cela représente un changement très important dans votre existence. Et ce qui me choque le plus c'est à quel point ces témoignages sont dédaignés (anecdotes qui ne prouvent rien) ou complètement ignorés par les personnes/groupes antiTHR et les instances officielles de santé (à l'exception de la Grande Bretagne). Un exemple typique de ce mépris à l'égard des témoignages est la campagne 1000 messages pour la vape que tu as lancée le 24 Novembre, 2015. Est-ce que tu peux en parler, y compris les réponses reçues (ou pas)? 


Sébastien Béziau:


Le vapotage a un gros défaut. Ce n’est pas une proposition qui émane des autorités et des sachants. C’est une expérience qui est née et qui s’est développée entre les mains des fumeurs. Les pratiques se sont construites et les matériels se sont améliorés entre leurs mains. Les fabricants de liquides et les commerçants sont pour la plupart des ex-fumeurs devenus vapoteurs. Alors l’écosytème tabac comprenant les industries du tabac, les industries de la maladie, les autorités sanitaires et les « aidants » ne fonctionnent depuis l’essor du vapotage qu’en mode réactif. Les anti-tabac sont les plus pathétiques, la vape leur a volé leur existence, on s’en sort sans eux et surtout plutôt que détruire l’industrie du tabac pour lutter contre le tabagisme, on se contente d’arrêter de fumer. Tout le système s’écroule, mais pas comme prévu et surtout pas à la vitesse prévue. C’est ce qui déstabilise les équilibres économiques, notamment le système de taxe et le financement des maladies. Les anti-tabac sont devenus anti-vape car le vapotage détruit leur fond de commerce, comment se faire financer pour une lutte qui n’existerait plus, le tabac est leur fond de commerce. Le livre 1000 messages pour la vape n’a pas eu d’écho médiatique, mais il a dérangé. Je suis fier de cette opération, je sais que cet ouvrage qui contient plus de 1200 témoignages et que j’ai pris soin de déposer à la Bibliothèque Nationale de France, servira un jour aux historiens de la santé publique. Jamais je ne remercierai assez toutes les personnes qui ont participé à l’écriture et toutes celles qui ont financé l’impression du livre et son expédition à tous les députés français. 




Q2. Durant le 3ième somment de la vape qui s'est tenu à Paris le 14 Octobre 2019 (dont tu étais l'un des organisateurs), un député, le Dr Olivier Véran s'est exprimé en faveur de la vape. Comment avez-vous fait pour obtenir sa participation? Je pose la question parce que les interventions publiques de politiques ou d'officiels en faveur de la réduction des risques me semblent rares.  




Sébastien Béziau : 


Le député Véran s’est exprimé à plusieurs reprises sur le vapotage. Il est aussi impliqué sur la question du cannabis thérapeutique. Il est ouvert aux questions de la réduction des risques. C’est un médecin qui semble avoir des vues assez pragmatique sur ces sujets. Pour le Sommet de la Vape, il a été sensibilisé par diverses voies. C’est à lui qu’il faut demander pourquoi il a décidé de venir s’exprimer. En tout cas, sa présence a été très appréciée, d’autant plus que comme tu le précises, en France, l’omerta est totale sur le sujet. La ministre de la santé, Agnès BUZYN n’a jamais accepté de recevoir les acteurs du vapotage en France (alors qu’aux USA, c’est carrément le président Trump qui s’y colle) et alors qu’elle reçoit régulièrement les buralistes. Son nouveau directeur général de la santé, le Pr Jérome Salomon, a également boudé le Sommet de la vape. Pourtant son prédécésseur, le Pr Benoit Vallet avait assisté aux deux premières éditions en 2016 et 2017, en 2019, devenu conseiller maître à la Cour des Compte, il nous a à nouveau fait l’honneur de sa présence et à prononcé un discours mémorable sur le vapotage et son opportunité pour la santé publique (disponible en version anglais sur le site de SOVAPE).




Q3. L'Union Européenne va commencer le processus de révision de la Directive sur les Produits du Tabac, qui pourrait avoir des conséquences positives ou très négatives sur la vape. SOVAPE fait partie des membres fondateurs de l'association ETHRA, European Tobacco Harm Reduction Advocates, créée en Septembre 2019 avec des groupes d'autres pays. Avec quelles ressources va fonctionner ETHRA si elle doit se confronter avec les organisations qui combattent le vapotage en tant que moyen de réduction des risques qui disposent elles de budgets substantiels (y compris de la part de la Commission Européenne) et d'´équipes de permanents, comme par exemple l'association ECL Association of European Cancer Leagues ou le European Network for Smoking and Tobacco Prevention ?




Sébastien Béziau : 




ETRHA est une sorte de « fédération » d’associations. C’est un groupe de partage et d’échange. Ce ne sont que des citoyens et l’organisation n’a aucun moyen financier. Comment pourra t-elle agir ? Certainement pas en payant des restaurants et en influençant les politiques avec des agences de lobbying grassement rémunérées. On en revient au problème que j’évoque plus haut, le vapotage est une particule hors système et même si les industriels indépendants se développent, ils sont loin d’atteindre les dimensions des industries et des états qui vivent et organisent leurs rentes grâce au tabagisme et aux maladies qu’il crée. Les armes d’ETHRA sont la sincérité et l’honnêteté, et surtout une ténacité que l’on ne trouve que chez les êtres humains qui fondent leur existence sur le bien d’autrui, pas sur l’argent. Notre espoir reste vivace de finir par trouver des décideurs politiques non corrompus et qui décident de s’intéresser au sujet, alors tout changera. Cela dit, nous restons très inquiets face aux nouvelles mesures que pourrait prendre l’Europe sous l’influence des organisations que tu cites et qui sont les alliées de circonstance des industriels du tabac et de la pharmacie. Ils sont tous partie prenante de ce système que le vapotage fait trembler.




Q4. Peux-tu parler de ton livre 'Bienvenue dans la vape', sa genèse, sa distribution? Réactions de lecteurs, des media?




Sébastien Béziau : 




Ça fait plus de 6 ans que je vapote et que j’échange avec les commerçants, les fabricants, les professionnels de santé et surtout des milliers de vapoteurs. J’échange beaucoup avec des addicto et je participe à des groupes auto-support. J’édite aussi depuis 2015 mon magazine VAPYOU dont la ligne éditoriale consiste principalement à accompagner les nouveaux vapoteurs. Au fil des numéros, avec l’aide des autres auteurs, se sont empilées de nombreux conseils et bonnes pratiques. Les commerçants qui achètent les magazines pour les offrir à leurs clients me demandes des anciens numéros ou des « compilations ». En écrivant « Bienvenue dans la vape » j’ai voulu rassembler les connaissances en mode pratique et pédagogique. La narration est fondée sur mon expérience de vapoteur et de « pair » toujours à l’affût d’information et de connaissances scientifiques, médicales et techniques. J’ai proposé le livre aux commerçants spécialisés pour qu’il soit vendu dans les boutiques de vape. Un premier tirage a été réalisé à 5.000 exemplaires, et un mois après j’ai relancé une deuxième édition à 10.000 exemplaires. J’ai eu de très bons retours de professionnels de santé, de commerçants et de consommateurs. Il n’y a eu presqu’aucun écho médiatique car je n’ai même pas essayé de contacter un éditeur, donc il n’y a pas eu de promotion dans le réseau de librairie « classique ». Comme la vape, ce livre est « hors système ». Mais je sais qu’il est utile car il n’en existe pas d’autre avec une véritable mise à jour des connaissances et surtout des bonnes pratiques pour bien utiliser le vapotage afin d’arrêter de fumer. Il fera son chemin, à sa manière. Preuve en est, tu m’as contacté depuis les USA pour te procurer un exemplaire !






Q5. Comment évalues-tu aujourd'hui le rapport de forces en France entre les opposants et les partisans de la vape? Votre position s'est-elle renforcée? Quelles sont les priorités dans le proche avenir? Sur le plus long terme?




Sébastien Béziau : 




La situation est France est paradoxale. Nous sommes un des pays où la vape s’est le plus développée et sans doute celui où l’on trouve la plus grande concentration de boutiques spécialisées et de fabricants très sérieux. Pour autant, c’est un désastre au niveau des autorités sanitaires qui ne savent pas prendre en compte cette formidable opportunité pour la santé publique. Les anti-tabac ont une influence très négative, leur idée est que le vapotage « renormalise » le geste de fumer et ils alarment sur les jeunes alors que toutes les données (notamment aux USA) montrent que la vape est un rempart au tabagisme juvénile. On est en plein conflit d’intérêt, encore une fois, sans le tabagisme, ces gens n’ont plus aucun fondement à exister et à être financés. Nous avons aussi un gros problème en France, le niveau des taxes sur les ventes de cigarettes est tel que l’effondrement du tabac provoquerait des déséquilibres financiers tellement importants qu’ils doivent à tout prix être évités. Nous avons 75.000 morts par an, nous sommes sur le podium européen juste derrière la Bulgarie au niveau de la prévalence tabagique, mais le gouvernement a réussi à gagner 500 millions d’€ de plus chaque année grâce aux augmentation de prix sur les cigarettes. Nos positions sont faibles car, encore une fois, nous mettons en danger tout un écosystème. Mais nous sommes là, nous veillons et nous informons. Nous savons que même écartés, nous sommes observés, jusqu’au jour où ça devra changer parce que nous n’abandonnerons pas. Nous avons raison de nous battre.




Q6. Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose?


Sébastien Béziau : 


SOVAPE vient de publier une enquête et un position paper sur les agissements de l’OMS concernant le vapotage dans le cadre de sa lutte anti-tabac. N’hésites pas à traduire ce document d’une grande valeur. Merci beaucoup pour cet interview.




Merci Sébastien d'avoir pris le temps de répondre à ces questions. 

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